Cette démarche est différente du licenciement personnel, dans la mesure où elle est motivée par une raison indépendante de la personne ou du comportement de l’employé. De même, il peut s’agir d’un licenciement individuel ou collectif et les procédures diffèrent en conséquence. L’employeur qui envisage cette décision doit agir attentivement compte tenu des diverses subtilités liées aux motifs invoqués, ainsi que des obligations avant, pendant et après les procédures notamment.

Sommaire
1. Définition
2. Conditions
3. Justifications : Difficultés économiquesMutations technologiquesRéorganisationCessation d’activité
4. Démarches : ReclassementOrdre
5. Procédure de licenciement
6. Procédure dérogatoire
7. Indemnités
8. Contestation


 

Définition

Un licenciement est dit « économique » lorsqu’un employeur décide unilatéralement de se séparer d’un salarié pour des raisons qui ne sont pas liées à sa personne ni à ses agissements. Le motif invoqué doit relever de difficultés économiques ou de mutations technologiques entraînant la suppression / transformation d’un emploi ou la modification, refusée par l’employé, d’un élément essentiel du contrat de travail (article L1233-3 du Code du travail).

Il peut également être fondé sur la réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité (raison ajoutée par la jurisprudence), ou sur la cessation complète d’activité de l’entreprise. Dans cette dernière hypothèse, le fondement du licenciement est caduc lorsque la faillite de l’entreprise est provoquée par la faute du dirigeant ou par sa « légèreté blâmable » (Cass. Soc., 5 octobre 1999, n°97-42.057 et Cass. Soc., 28 février 2006, n° 03-47880).

L’employeur est également tenu de réaliser tous les efforts nécessaires pour éviter le licenciement, notamment des actions de formation, d’adaptation du salarié à son poste de travail et de reclassement dans un autre poste (Art. L.1233-4 CT). Malgré le respect de ces conditions, il appartient aux juges de décider si les causes économiques indiquées dans la lettre de licenciement sont « réelles et sérieuses » au sens de l’article L1235-3 du Code du travail pour justifier les démarches. Le conseil des prud’hommes ne considère que les motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et dont l’employeur a pris connaissance depuis moins de deux mois.

Contrairement au licenciement personnel, le renvoi pour motif économique peut s’effectuer de manière individuelle ou collective. Cela permet ainsi de mieux définir les procédures à adopter : celles qui concernent un seul employé, 2 à 9 employés ou plus de 10 employés.


 

Conditions à respecter sur la matérialisation des motifs

Selon l’article L1233-3, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». La jurisprudence a ajouté la réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité ainsi que la cessation complète de son activité.

Chaque condition matérielle énoncée par la définition légale peut être étudiée séparément :

  • « Motifs non inhérents à la personne du salarié » : cela sous-entend que l’employeur n’utilise aucune cause relevant de la personnalité ni du comportement du salarié : acte, non-acte, situation familiale, âge, maladie, inaptitude. ;
  • « Suppression d’emploi » : l’employeur supprime un poste de travail pour des raisons économiques ou répartit les tâches incombant au titulaire de ce poste aux autres employés de l’entreprise ;
  • «Transformation d’emploi » : cela suppose la modification de la nature même du métier par l’introduction de nouvelles missions, par l’informatisation, la digitalisation, etc. Le contrat du travail s’en trouve ainsi modifié ;
  • « Modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail » : il s’agit d’un motif réel et sérieux d’une rupture du contrat. Dans ce contexte, la décision de modification doit être envoyée par lettre recommandée A/R au salarié concerné. Celui-ci dispose d’un mois pour manifester sa réponse, le silence valant une acceptation. En cas de refus, l’employeur ne peut entamer le licenciement qu’à l’issue de ce délai.

 


 

Les causes de justification

Toutes ces actions qui matérialisent le licenciement doivent être « consécutives à des difficultés économiques, des mutations technologiques » et à une réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité. Tous ces motifs permettent de prononcer un licenciement, mais encore faut-il que le Conseil des prud’hommes reconnaisse les causes fournies comme réelles et sérieuses.

 

Notion de « difficultés économiques »

Il appartient à la jurisprudence de statuer si les difficultés économiques invoquées par l’employeur constituent ou non des causes réelles et sérieuses, en les appréciant à la date de la notification du licenciement. Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les juges étudient l’existence des difficultés économiques au niveau du secteur d’activité dans lequel l’entreprise est classée.

Sont notamment considérés comme cas de difficultés économiques :

  • La cessation de paiement (très important endettement) ;
  • Le redressement judiciaire ;
  • Les résultats déficitaires (détérioration du résultat et du chiffre d’affaires) et/ou la chute de la rentabilité malgré l’usage de stratégies de restructuration ;
  • Les grands déficits budgétaires, de trésorerie ou d’exploitation ;
  • La perte de l’unique client de la société.

Il faut toutefois savoir que toutes ces situations ne doivent pas résulter d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur et qu’une aggravation doit être constatée. Ainsi, les cas suivants ne permettent pas d’invoquer une difficulté économique :

  • La volonté du dirigeant de faire des économies ou d’accroître sa rentabilité ;
  • La décision de réduire les salaires ou les charges sociales ;
  • Le constat qu’une rémunération est trop élevée alors que l’entreprise en a les moyens ou que son chiffre d’affaires est en hausse ;
  • La seule perte d’un marché ou le ralentissement des ventes ;
  • Le ralentissement de l’activité qui est une situation susceptible de se renverser ;
  • Le déficit des finances de l’employeur qui perdure depuis des années, sans qu’une aggravation n’ait été démontrée ;
  • Les résultats négatifs de l’entreprise causés par des excès de prélèvements personnels du dirigeant.

 

Notion de « mutations technologiques »

Il s’agit de l’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise qu’il s’agisse de nouveaux outils informatiques ou de nouvelles machines industrielles par exemple. « Les mutations technologiques constituent un motif économique autonome de licenciement », même si l’entreprise n’est pas en difficulté économique. L’employeur n’est pas non plus tenu d’en justifier une nécessité de sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise : « l’introduction d’une technologie informatique nouvelle comportant une incidence sur l’emploi constitue une cause économique de licenciement alors même que la compétitivité de l’entreprise ne serait pas menacée ».

Il appartient aux juges d’étudier scrupuleusement les raisons avancées par l’employeur si elles justifient réellement une suppression de poste, une transformation d’emploi ou une modification du contrat de travail (baisse de salaire, réduction des heures de travail…). C’est ainsi que l’introduction de nouveaux outils d’impression numérique en remplacement d’un ancien procédé de sérigraphie par exemple a été considérée comme une cause économique sérieuse de licenciement d’une salariée sérigraphe.

Aussi, les juges ont considéré comme cause réelle et sérieuse de licenciement l’informatisation d’une agence qui a impliqué la suppression du poste d’une employée de bureau. En revanche, il a été jugé que « le simple changement de prologiciel ou logiciel ne saurait constituer une innovation technologique en tant que telle au sens de l’article L. 321-1 du Code du travail ».

Dans tous les cas, l’employeur est censé mobiliser tous les moyens nécessaires pour adapter les employés concernés à l’évolution prévisible de leur métier (article L.6321-1 du Code du travail). Il devra notamment en justifier les efforts fournis, notamment une formation complémentaire si besoin. En revanche, il ne peut lui être imposé d’assurer la formation initiale qui manque aux salariés en question.

 

La réorganisation ou la restructuration de l’entreprise

La réorganisation de l’entreprise est un concept jurisprudentiel pouvant être invoqué par un employeur pour motiver un licenciement, même en l’absence d’une difficulté économique. Il a effectivement été admis qu’elle peut facilement justifier une suppression / transformation d’emploi ou une modification du contrat de travail.

Mais elle ne peut en constituer une cause réelle et sérieuse que dans deux cas :

  • Elle résulte de mutations technologiques ou de difficultés économiques ;
  • Elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle fait partie.

Ce motif s’apprécie à la date du licenciement et la nécessité de « sauvegarde de la compétitivité » doit impliquer une restructuration servant à prévenir des difficultés économiques à venir ainsi que leurs répercussions sur l’emploi. Il demeure également justifié en cas de persistance des pertes d’exploitation tant au niveau de l’entreprise que du groupe.

L’employeur ne doit l’utiliser qu’en cas de compétitivité « menacée » et non pas « insuffisante », sous-entendant une volonté d’améliorer la rentabilité au détriment de l’emploi. Cette solution devrait ainsi se pencher sur la sauvegarde d’un plus grand nombre d’emplois en assurant la pérennité de l’entreprise face aux risques de compétitivité.

Ainsi, « la réorganisation de l’entreprise mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement » constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans cette célèbre affaire, l’entreprise a lancé un projet de réorganisation commerciale, visant la transition entre les produits traditionnels (annuaire papier et minitel) et ceux liés aux nouvelles technologies de l’information (Internet, mobile, site). Cela vise à sauvegarder sa compétitivité alors même que l’entreprise n’était pas en difficulté économique.

En revanche, une restructuration motivée uniquement par l’efficacité commerciale et la résolution des dysfonctionnements, par des considérations de nature environnementale ou encore par la volonté de rationaliser les structures, ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement.

 

La cessation d’activité

La cessation d’activité d’une entreprise peut constituer en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement économique, lorsqu’elle est définitive, totale et non reprochable à l’employeur. Elle peut dans ce cas provoquer une suppression / transformation d’emploi ou une modification de contrat de travail.

Elle doit d’abord être « définitive », c’est-à-dire qu’une suspension temporaire de l’activité pour cause travaux par exemple n’est pas admise. La reprise de l’activité après la cessation ne devrait pas non plus être envisageable. La cessation doit ensuite concerner la totalité de l’entreprise et non pas seulement de l’une de ses agences, filiales ou établissements. Par ailleurs, elle ne doit pas provenir d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur.

 


 

Démarches à suivre avant le licenciement

Même s’il existe un motif économique reconnu comme cause réelle et sérieuse, le licenciement économique ne peut intervenir que si l’employeur justifie d’efforts d’adaptation des employés à leur poste de travail. Il a le devoir de maintenir leur capacité d’emploi, compte tenu de l’évolution des métiers, des technologies et des organisations (L6321-1, Cass. soc, 23 juin 2010, n° 09–41912). Il s’agit de mesures de prévention qui permettraient de limiter et même d’éviter le licenciement.

Par ailleurs, le dirigeant doit respecter une obligation de reclassement du travailleur concerné par le licenciement à un autre poste dans l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient. Ce n’est qu’en cas d’échec, de refus du salarié ou de l’impossibilité de son adaptation / reclassement que l’employeur peut procéder aux étapes suivantes, en justifiant précisément ses motivations.

 

Le reclassement obligatoire

Avant de notifier le licenciement économique, la Jurisprudence et la loi obligent l’employeur à tout mettre en œuvre afin de reclasser le salarié sur un autre emploi (article L.1233-4 CT). Cela doit s’effectuer vers un poste de travail de même catégorie que le précédent, un autre métier équivalent avec le même salaire ou si l’employé l’accepte, vers un poste d’une catégorie inférieure.

Selon un arrêté de la Cour de cassation du 20 septembre 2006, l’employeur est tenu d’adresser au salarié des offres de reclassement écrites et précises provenant de tous les établissements, filiales ou unités de l’entreprise ou du groupe dont elle fait partie. L’employé peut même demander de recevoir des offres de reclassement provenant des établissements en dehors du territoire national et faisant partie de l’entreprise. Cela est valable lorsque la législation applicable localement permet l’emploi de salariés étrangers (Article L1233-4-1 CT).

Mieux encore, une convention collective peut prévoir une obligation de recherche de reclassement en dehors de l’entreprise, dont la simple méconnaissance peut priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Il appartient à l’employeur de justifier de ses efforts de reclassement afin de poursuivre la procédure de licenciement lorsque le reclassement est impossible ou quand le salarié refuse le poste proposé.

 

La définition de l’ordre des licenciements

Il s’agit des critères utilisés par l’employeur pour choisir quel salarié doit être le premier à être licencié pour motif économique, qu’il s’agisse de licenciement individuel (Art L.1233-7 CT) ou collectif (Art L1233-5 CT). Ils sont souvent définis par la convention ou l’accord collectif applicable dans l’entreprise. Mais en l’absence de telles dispositions, l’employeur peut établir lui-même l’ordre de ces critères, parmi lesquels on trouve :

  • La situation familiale (charges, parents isolés…) ;
  • L’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement de celle-ci ;
  • Les situations sociales qui pourraient compliquer la recherche d’un autre emploi (salariés handicapés ou seniors…) ;
  • Les qualités professionnelles, etc.

L’un de ces éléments peut être privilégié par l’employeur, mais il doit toujours les considérer ensemble et une éventuelle discrimination serait sanctionnée par les juges. Dans tous les cas, la consultation des représentants du personnel est obligatoire, notamment le comité d’entreprise ou les délégués du personnel. L’employeur ne peut en aucun cas prioriser le renvoi d’un employé sous le seul prétexte que celui-ci bénéficie d’avantages à caractère viager.

Enfin, le salarié peut demander par lettre recommandée A/R ou par une lettre remise en main propre contre décharge, les critères à partir desquels l’employeur a choisi l’ordre de son licenciement. Il doit le faire au plus tard 10 jours après son départ de l’entreprise. Cette dernière dispose de ce même délai pour répondre à cette requête sous les mêmes conditions de forme (R1233-17).

 


 

Étapes de la procédure de licenciement

Les étapes à suivre diffèrent en fonction de nombreux paramètres, notamment l’effectif de l’entreprise et le nombre de salariés concernés par le licenciement. Des procédures spécifiques peuvent également s’appliquer en fonction des dispositions conventionnelles ou dans le cas d’un salarié protégé. Il appartient ainsi à l’employeur de déterminer les démarches qui s’imposent en considérant :

  • L’effectif de l’entreprise (moins de 50 salariés ou plus) ;
  • Le nombre d’employés touchés par le projet de licenciement économique (un seul salarié, 2 à 9 salariés sur une période de 30 jours, 10 salariés et plus sur une période de 30 jours) ;
  • Les représentants du personnel présents ou non dans l’entreprise : un procès-verbal de carence doit notamment être rédigé dans les entreprises dépourvues d’instances représentatives des salariés qui prononcent un licenciement économique. Dans le cas contraire, elles devront payer une indemnité d’au moins un mois de salaire brut au salarié licencié.

 

> Les étapes du licenciement individuel pour motif économique

> Licenciement collectif pour motif économique


 

Procédures dérogatoires

Il existe des situations où des procédures spécifiques peuvent être ôtées ou ajoutées à ces démarches légales. Cela concerne par exemple le licenciement individuel ou collectif des salariés protégés dans lequel une autorisation de l’inspection du travail s’impose. Dans le cas des licenciements économiques en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, d’autres étapes peuvent être sautées.

Les délais de 7 ou 15 jours entre la notification et l’entretien préalable ne sont pas notamment applicables. Il en est de même dans le cadre d’une liquidation judiciaire où le liquidateur n’a pas besoin d’obtenir une autorisation préalable pour effectuer les démarches, par simple application de la décision de liquidation.


 

Les indemnités de licenciement économique

Le ou les salariés licenciés perçoivent l’indemnité légale de licenciement prévue par le droit commun, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle plus favorable. Ils ont également droit aux éventuelles indemnités compensatrices de préavis et de congés payés. D’autres indemnités compensatrices de préjudice peuvent être prévues en cas de non-respect des procédures légales par l’employeur.

Lorsque l’entreprise procède aux licenciements économiques pour cause de procédures collectives (redressement, sauvegarde, liquidation judiciaire), les employés licenciés ont la priorité sur le paiement des droits par rapport aux autres créanciers. Si elle ne peut pas assurer les versements, il incombe à l’AGS (association pour la gestion du régime d’assurance des salaires) de l’effectuer au titre du régime de garantie des salariés, même si l’employeur n’est pas à jour de ses cotisations AGS.


 

Contestation

Un salarié licencié pour motif économique peut saisir le conseil des prud’hommes pour dénoncer un vice de procédure (entretien préalable, notification, consultation du CE ou des DP, priorité de réembauchage, ordre des licenciements…) ou une irrégularité du PSE. Il peut également remettre en cause le caractère réel et sérieux des motifs économiques invoqués par l’employeur.

Dans ce cas, sa contestation se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d’entreprise ou à compter de la notification du licenciement s’il utilise son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement » (Article L1235-7 CT). Ce délai n’est opposable au salarié que si la lettre de licenciement le prévoit.

En cas de contestation, les juges vont apprécier le caractère réel et sérieux des raisons invoquées dans la lettre de licenciement tout en vérifiant le respect des conditions stipulées aux articles L1233-3 et suivant du Code du travail.

 

Consulter également :

> Les mesures d’accompagnement du licenciement économique