Les représentants du personnel sont des salariés protégés, étant par nature en relation directe avec les employeurs. Dans cette optique, certaines mesures patronales nécessitent une intervention de l’inspection du travail lorsqu’un salarié protégé est en cause : la principale étant le licenciement. Les salariés protégés ne peuvent en effet être licenciés qu’à condition d’une homologation de l’inspecteur du travail. C’est l’unique option pour l’employeur afin de rompre la relation professionnelle qu’il entretien avec leurs salariés protégés.

Certains employeurs entendent demander la résiliation judiciaire du contrat de travail auprès des conseil de prud’hommes. Depuis l’arrêt Perrier de 1974, cela n’est plus possible : ce dernier établissant clairement que l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail est requise.

 

Le champ de la protection du salarié protégé

Les salariés concernés

Ils sont listés à l’article L.2411-1 du Code du travail.
On y insère les représentants élus du personnel :

  • Membre du comité d’entreprise ;
  • Délégués du personnel ;
  • Membres du CHSCT.

Mais aussi les représentants syndicaux au cours de leur mandats.

Sont aussi protégés :

  • Les salariés protégés dont le mandat élu ou syndical a cessé. Protégés respectivement 6 mois et 1 an ;
  • Les candidats aux élections : pour une durée entre 3 et 6 mois selon la nature de l’élection ;
  • Les salariés ayant demandé la tenue des élections, même s’ils ne se sont pas présentés, à l’unique condition qu’une organisation syndicale ait relayé leur demande ;
  • Le salarié ayant fait sa volonté d’être candidat (l’imminence de la candidature) est protégé jusqu’au dépôt des candidatures ;
  • Les conseillers prud’homaux ;
  • Les conseillers des salariés (dans les entreprises sans représentants).

 

Les mesures concernées

La mesure visée par la loi est le licenciement. Cette procédure à l’encontre d’un salarié protégé n’est possible que si l’employeur a sollicité l’autorisation administrative de licencier.

Les autres types de sanctions ne nécessitent aucune autorisation administrative. En cas de sanction, le salarié protégé pourra se tourner vers le conseil des prud’hommes en vue d’une contestation.

La jurisprudence a étendu les hypothèses de licenciement dans le but de mieux protéger les représentants du personnel et éviter les contournements de la législation. En effet, existe diverses hypothèses de rupture du contrat de travail :

La résiliation judiciaire
Ici, on constate auprès du juge que l’employeur manque à ses obligations, ouvrant à une rupture du contrat de travail. Si le salarié est protégé, le licenciement sera nul. S’il ne l’est pas, le il sera requalifié sans cause réelle ni sérieuse.

La prise d’acte de la rupture
Dans ce cas, le salarié rompt le contrat de travail en raison d’un fait de l’employeur rendant imputable la rupture à l’employeur. Le licenciement du salarié protégé sera nul.

La rupture d’un commun accord

Le salarié protégé ici aura droit à une indemnité qui ne devra pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement.

Ce mode de rupture du contrat de travail permet une potentielle rétractation. L’administration du travail doit donner sa réponse dans une période de 15 jours après la formulation de la demande. L’absence de réponse de cette dernière dans le délai imparti vaut acceptation.

Une telle procédure est possible avec un salarié protégé, à condition qu’il y ait une autorisation expresse de l’inspection du travail

Le terme d’un CDD
Le non renouvellement du CDD doit faire l’objet d’une autorisation de l’inspecteur du travail. Donc, l’autorisation judiciaire a des conséquences sur le licenciement.

Au cours d’un transfert d’entreprise

Article L.1224-1 du Code du travail

Lorsque tous les salariés de l’entreprise sont transférés, l’action ne requiert aucune autorisation. En revanche, dans le cadre d’un transfert partiel concernant des salariés protégés, l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail sera également exigée.

La mutation d’un salarié protégé d’une filiale a une autre
Faut-il une autorisation de l’inspecteur du travail ? Cela constitue-il une rupture du contrat de travail ou est-ce une novation du contrat de travail ? Sur ce point, la jurisprudence est muette.

La modification du contrat de travail

Par principe, la modification du contrat de travail ne peut être imposée, à l’inverse de la modification des conditions du travail qui peuvent être modifiées par l’employeur. C’est le régime qui prévaut auprès des salariés de droit commun. Néanmoins, aucune de ces deux modifications ne peut affecter les salariés protégés, sous peine de délit d’entrave de la part de l’employeur.

L’accord du salarié protégé est indispensable dans les deux cas. En cas de refus, le salarié commet une faute. Il faudra alors à nouveau une autorisation de l’inspecteur du travail pour procéder à un licenciement pour faute.

 

La procédure de licenciement

Cette procédure spécifique emprunte à celle de droit commun et est réalisée par étapes.

Tout débute par une convocation à un entretien préalable du salarié.

Suite à cela, une consultation du comité d’entreprise est initiée sur le projet de renvoi. Cette consultation du comité intervient systématiquement, avec pour unique exception les cas où le salarié est délégué syndical.

L’employeur expose alors les motifs de licenciement. Il se devra également de le faire si cela concerne un licenciement économique du salarié.

Suite à une discussion et une réunion auprès du comité d’entreprise, ce dernier décidera s’il est favorable ou défavorable au renvoi.

L’inspecteur du travail devra ensuite être saisi de la demande d’autorisation du licenciement. Il prendra connaissance du procès-verbal de réunion et contrôlera le motif, mais surtout déterminera si ce motif justifie le licenciement. C’est une grande différence avec le congédiement d’un salarié lambda, où la potentielle contestation intervient après la rupture du contrat.

Si l’inspecteur émet un avis favorable, les conseils de prud’hommes ne pourront plus intervenir. S’agissant d’une décision administrative, elle s’impose aux juges judiciaires.

 

Qu’est-ce qu’un juste motif de licenciement ?

Pour apprécier le juste motif, il convient de se référer à la jurisprudence du Conseil d’État. En effet, le recours à l’égard de la décision consistera en un recours administratif.

  • Si le licenciement est basé sur un motif personnel non fautif, l’inspecteur du travail vérifiera si c’est une insuffisance de résultat et si elle est justifiée ;
  • Si le licenciement est basé sur un motif personnel fautif, il doit résulter d’une faute de gravité suffisante. L’inspecteur du travail se prononcera sur le bien fondé du licenciement et en vérifiera les conditions légales : si l’employeur a cherché une solution de reclassement, ou si l’on désignait bien le salarié à licencier. S’il considère le motif valable le renvoi aura lieu, sinon le refusera.

L’inspection du travail vérifie aussi, si le motif est établi, que ce dernier n’est pas discriminant à travers la méthode du faisceau d’indices.

Il existe cependant un motif qui peut bloquer le licenciement du salarié protégé. Ce motif est celui tiré de l’intérêt général et il se produit dans deux situations :

  • Quand le licenciement va priver l’entreprise de représentant du personnel ;
  • Quand le licenciement découle de « l’intérêt supérieur de la nation ». Cette prérogative de l’administration pourra être utilisée dans le cadre d’un licenciement collectif qui conduit à des grèves. Ici, le renvoi d’un salarié protégé pourrait entrainer le risque de créer des troubles à l’ordre public et des débordements.

Suite à ce type de procédure, l’employeur a la possibilité de prononcer le licenciement. En revanche, si l’inspecteur du travail refuse d’autoriser la procédure, l’employeur ne peut rien faire.

L’employeur peut contester cette décision de l’administration via un recours administratif ou par un recours contentieux : il peut utiliser un seul des recours ou les deux (simultanément ou un à un). Le recours administratif se fait auprès du Ministre du Travail, qui délègue l’enquête à la Direction Départementale du Travail. Cette dernière confirmera ou annulera la décision de l’inspecteur du travail.

La décision de l’inspecteur du travail ou du Ministre du Travail peut être à son tour contestée auprès du tribunal administratif, puis de la Cour d’appel administrative, puis auprès du Conseil d’État.

 

Les sanctions à l’égard de l’employeur

La réintégration du salarié protégé

Deux situations peuvent se présenter :
L’employeur a licencié le salarié protégé sans suivre la procédure spécifique.
L’employeur a licencié le salarié après que l’inspecteur du travail ait émis une décision défavorable.

Le cas le plus fréquent reste la situation où l’employeur oublie que le salarié est un salarié protégé. Dans un tel cas, et si le salarié a été licencié sans que la procédure ait été respectée, il a droit à sa réintégration dans l’entreprise. Il aura la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes en référé afin d’obtenir sa réintégration, ainsi que des dommages-intérêts.

En revanche, si l’autorisation du licenciement a été donnée et que le salarié exerce un recours contre la décision qui annule l’autorisation, il pourra obtenir sa réintégration à son poste d’origine dans les 2 mois suivant la notification de la décision d’annulation.

Le salarié peut aussi ne pas vouloir être réintégré. L’employeur ne peut refuser une telle décision et il n’a aucun recours possible. Toute tentative de l’employeur pour forcer le salarié en pareil cas équivaudrait à un délit d’entrave.

 

L’indemnisation du salarié protégé

L’indemnisation du salarié en cas d’annulation ou de retrait de l’autorisation de son licenciement

Pour les cas où l’autorisation de licenciement a été délivrée mais où elle fut :

  • Soit retirée par le ministre du travail ;
  • Soit annulée par les juridictions administratives.

L’article L.2422-4 du Code du Travail stipule que « le salarié a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s’il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision ».

Ce texte est basé sur le principe de responsabilité qu’est l’indemnisation du préjudice subi. Le préjudice subi ici est celui de la perte de salaire. En effet, entre le moment où il fut licencié et le moment où il fut réintégré, le salarié n’a pas bénéficié de rémunérations.
Lorsque le salarié protégé ne demande pas sa réintégration, il a 2 mois pour en faire la demande, ce qui correspond à la période où il peut demander sa réintégration.
Dans tous les cas, qu’il veuille ou non être réintégré, ce dernier a droit à la réparation du préjudice subi.

Concernant la cumulation d’éventuels autres revenus perçus par ailleurs sur la période, la Cour de cassation considère que l’on doit retrancher les revenus professionnels et de chômage qui ont été reçus.

La situation est plus compliquée lorsque le salarié ne déclare pas les salaires qu’il a perçu ailleurs (travail au noir, travail à l’étranger). Dans une telle situation, l’employeur ne pourra effectuer aucune déduction. On obtient la preuve de salaires autrement perçu via la feuille d’imposition du salarié.

 

L’indemnisation du salarié en cas de licenciement en méconnaissance de l’autorisation administrative

Cela concerne les cas où l’employeur :

  • A subi le refus de l’autorisation de licenciement ;
  • A licencié en l’absence d’une l’autorisation préalable.

Dans ces situations, le salarié a droit à tous les salaires qu’il aurait pu percevoir au cours de sa « période de protection de salarié protégé ».

Cette indemnisation est forfaitaire : on ne déduit pas ce salaire de ce qu’il aurait pu percevoir ailleurs. Par exemple, si le salarié a perçu l’allocation chômage, dans ses rapports avec Pole Emploi, il y’a paiement de l’indu. L’allocation fut versée sans cause car le salarié récupère la partie du salaire. Il devra donc restituer ce qu’il a obtenu.

Quand le salarié tarde à demander sa réintégration (sa période de protection étant prescrite), le juge peut nuancer le préjudice subi. L’indemnité versée à ce salarié consistera en une indemnité de réparation de la violation du statut protecteur, et s’affilie à un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

 


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Naouzad JasimNaouzad Jasim

Modérateur auprès du Coin du Salarié et étudiant en gestion des ressources humaines, avec une formation préalable en droit social.
Particulièrement intéressé par les relations sociales, les évolutions juridiques actuelles sont à même de changer les pratiques des DRH dans la gestion du personnel et la stratégie au sein des entreprises.
Exalté par une matière en mouvement perpétuel, il faut « vulgariser » ce domaine juridique afin qu’il soit accessible à tous. Ceci est ma mission.