Comme son nom l’indique, le contrat à durée déterminée (CDD) contient une date d’échéance dans ses clauses et ne peut en principe être rompu avant cette date. Il prévoit toutefois une période d’essai pendant laquelle l’employeur ou le salarié peuvent abandonner librement les relations contractuelles. En dehors de ces situations, la « rupture anticipée » d’un CDD entraine le paiement de dommages et intérêts, sauf dans des cas bien limités et encadrés par le Code du travail.
Sommaire :
Date de fin du CDD
Rupture anticipée amiable
Rupture anticipée par une seule partie – Rupture initiée par l’employeur – Rupture initiée par l’employé
Date de fin d’un contrat à durée déterminée
Selon l’Article L1243-5 du Code du travail, après l’écoulement de la période d’essai, un CDD cesse normalement de plein droit :
- À la date d’échéance prévue dans le contrat (terme précis) ;
- Après une période minimale ou jusqu’à la réalisation finale de l’objet du contrat (terme incertain).
Il existe toutefois des cas règlementés dans lesquels l’employeur ou le salarié peuvent décider de renoncer aux relations contractuelles avant leur terme en procédant à une rupture anticipée du CDD (Article 1243-1 à 4 du Code du Travail). La loi encadre scrupuleusement ces exceptions qui ne peuvent en aucun cas être dérogées sous peine du paiement de dommages-intérêts pour le préjudice subi.
Selon l’article L1243-3 du Code du travail, la rupture anticipée émanant du salarié pour des raisons autres que les motifs légaux permet à l’employeur de réclamer des dommages-intérêts correspondant au préjudice subi (exemple : montant des rémunérations pour la durée de travail non effectué). Lorsque la rupture illégale est à l’initiative de l’employeur, l’employé a droit à des dommages-intérêts représentant au minimum le montant des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’échéance du contrat (Art. L1243-4 CT).
Rupture anticipée à l’amiable
La rupture amiable d’un CDD avant son terme fait partie des motifs légaux prévus par le Code du travail (article L 122-3-8 alinéa 1 ou Article L1243-1 CT). Elle peut intervenir à tout moment, mais le contrat ne doit en aucun cas prévoir cette possibilité. Cela annule ainsi automatiquement toute clause résolutoire contenue dans le document ou une autre qui permettrait une rupture anticipée pour un motif autre que le consentement mutuel.
La volonté claire et non équivoque des parties doit être manifestée par un écrit que ce soit un document qui rompt le contrat, un autre qui en réduit la durée ou encore un document de transaction au sens des articles 2044, 2052 et 2053 du Code civil organisant les conditions de la rupture pour prévenir un litige.
À l’issue de la rupture amiable, le salarié perçoit en principe une indemnité de fin de contrat représentant 10 % du salaire total brut. Comme pour le cas d’un licenciement (privation involontaire d’emploi), il peut également prétendre aux allocations chômage dès lors qu’il en remplisse les conditions d’attribution.
En revanche, lorsque la mise à fin est initiée exclusivement par l’employé et acceptée par son employeur, la loi ne prévoit pas de paiement d’indemnité et les deux parties peuvent convenir de spécifier ce détail dans l’écrit qui formalise la rupture. La rupture anticipée à l’initiative du travailleur est également considérée comme un chômage volontaire qui le prive des droits à l’assurance chômage.
Les cas de rupture anticipée initiée par une seule partie au contrat
Hormis l’accord amiable, le Code du travail prévoit d’autres exceptions permettant à un employeur ou à un employé en CDD de rompre le contrat avant terme.
Cas de résiliations initiées par l’employeur
Faute grave du salarié
L’employeur peut se prévaloir de la cessation anticipée du CDD lorsqu’il reproche une faute grave de l’employé (art. L. 1243-1 CT). La gravité de chaque faute est étudiée au cas par cas et elle ne sera avérée que lorsque le comportement du travailleur rend impossible la continuité des relations contractuelles. Le dirigeant ne peut pas sanctionner le travailleur pour une même faute, y compris lorsqu’il lui a déjà sanctionné par un avertissement, sous peine d’une requalification en rupture abusive (cass. soc. 2 novembre 2005, n° 03-44766 FD).
Le refus d’effectuer un travail et l’abandon de poste durant 2 jours ont par exemple été considérés comme une faute grave selon la Cour de cassation (cass. soc. 18 avril 2008, n° 07-42457 FD). La procédure « doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire » (Cour de cassation, chambre sociale, 6 octobre 2010, N°: 09-41294).
En effet, à défaut de procédure pénale en cours, les faits fautifs ne peuvent plus être utilisés comme motif de la cessation anticipée à partir de deux mois après leur constat par l’employeur (article L 1332-4 CT). La procédure disciplinaire prévue pour les sanctions autres que les licenciements (art. L. 1332-2 CT) est entamée sachant qu’on n’utilise le terme licenciement que pour un CDI.
Le dirigeant a 2 mois après le constat de la faute pour organiser un entretien préalable par l’envoi d’une lettre recommandée AR ou par une remise en main propre (art. L. 1332-4 CT). Le collaborateur ne peut pas être assisté par un conseiller du salarié lors de cette réunion, mais il peut faire appel à un autre membre du personnel (Cour de cassation, chambre sociale, 25 octobre 2000, N°: 98-43760).
L’employeur doit ensuite notifier la rupture anticipée au travailleur au moins un jour franc après l’entretien et au plus tard 1 mois après. En cas de faute grave avérée, le fautif n’a pas droit à l’indemnité de fin de contrat (art. L. 1243-10 CT). L’indemnité compensatrice de préavis non effectué n’est pas non plus due par le dirigeant, mais il peut tout de même la verser sans risquer de perdre le droit d’invoquer la faute grave du salarié (cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867, BC V n° 146). Le collaborateur perçoit en revanche l’indemnité de congés payés pour toute la durée du contrat (art. L. 1242-16 CT).
Force majeure
Selon l’article L1243-1 du Code du travail : « Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas (…) de force majeure (…) ». La force majeure doit relever de circonstances extérieures, imprévisibles et insurmontables de telle sorte qu’elles rendent impossible la continuité du contrat.
Elle aura alors pour effet la cessation immédiate du contrat, sans préavis, ni indemnité. La loi prévoit cependant une exception : si la force majeure résulte d’un sinistre, l’employeur doit verser au collaborateur une indemnité compensatrice correspondant au moins aux salaires que celui-ci aurait dû percevoir jusqu’à la fin du CDD (Art. L1243-4 CT). Le salarié ne percevra pas en revanche l’indemnité de précarité (Circulaire DRT n°2002-08 du 2 mai 2002).
Dans la pratique, les juridictions n’admettent que très rarement les cas de force majeure. Elles retiennent notamment comme telle la destruction totale ou partielle des locaux suite à un sinistre, rendant impossible la continuité de l’exploitation, mais elles considèrent qu’une future reprise même après une longue durée annulerait le cas de force majeure (Cass. soc. 7 décembre 2005 n°04-42907).
Le décès du salarié, l’embargo qui interdit toute activité à l’étranger (Cour d’appel de Paris 22 septembre 1993) sont aussi considérés comme des cas de force majeure. Les juges excluent en revanche la liquidation judiciaire de l’entreprise (Cass.soc. 16 octobre 2002 n°00-40869), la fermeture pour motif économique (Cass. soc. 20 octobre 1998 n°96-41325), le décès accidentel de l’employeur (Cass. soc. 29 octobre 1996)…
Inaptitude physique du collaborateur
Il s’agit d’un cas ajouté récemment aux motifs légaux de rupture anticipée du CDD par la loi de simplification du droit du 14 avril 2011. Un employeur peut désormais rompre le CDD d’un salarié atteint d’une inaptitude d’origine professionnelle ou non selon le constat du médecin du travail. Dans ce cas, il a deux mois pour entamer une procédure de reclassement de l’employé dans un poste adapté à ses capacités, compte tenu des recommandations du médecin du travail.
Cette démarche inclut si besoin une réorganisation du temps de travail, une transformation de poste ou des mutations, afin que le nouvel emploi soit aussi comparable que possible à l’ancien (Art. L.1226-10 CT ; Cass. Soc. 10 fév. 2016, N°14-16156). Le reclassement est une obligation légale qui doit appuyer la décision d’inaptitude du médecin du travail (Cass. Soc. 28 avril 2011, N° pourvoi : 09-69034).
À l’issue du délai d’un mois, l’employeur devra rompre le contrat si le reclassement s’avère impossible ou que le collaborateur le refuse. Lorsqu’aucune rupture n’a été effectuée après ce délai, il devra reprendre le paiement des salaires, même si l’employé n’a occupé aucun poste. En cas de rupture, le salarié perçoit une indemnité de rupture correspondant au minimum au montant de l’indemnité légale de licenciement. Lorsque l’inaptitude a des origines professionnelles, ce montant sera doublé.
Le collaborateur a également droit à la prime de précarité ou indemnité de fin de mission. « Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s’ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l’issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant » (Art. L1243-8 CT).
Contrairement au cas d’un employé en CDI, la procédure de rupture anticipée pour inaptitude d’un CDD n’inclut pas un entretien préalable (Cass. Soc. 21 octobre 2013n° 15013). Il faut savoir que l’autorisation de l’inspecteur du travail est requise dans le cas d’une rupture anticipée du CDD d’un salarié protégé.
Un employeur qui rompt un CDD avant son échéance pour des raisons autres que les motifs légaux s’expose aux sanctions d’une rupture abusive, soit le paiement de dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux salaires que l’employé aurait perçus jusqu’à la fin du contrat. Il sera également redevable d’une indemnité de fin de contrat ainsi que celle des congés payés, sur la totalité des salaires. (Article L1243-4 CT).
Cas de résiliations initiées par le collaborateur
Hors période d’essai, hors cas de force majeure et de commun accord, un employé peut procéder à une rupture anticipée de son CDD dans deux situations légalement encadrées.
Embauche en CDI
Lorsqu’un salarié est embauché en CDI (contrat à durée indéterminée) dans une entreprise autre que celle où il travaille en CDD, il peut rompre le CDD de manière anticipée (Art. L1243-2 CT). Pour ce faire, il doit notifier sa décision par écrit à son employeur et justifier son embauche en CDI par la présentation d’un nouveau contrat de travail, d’une promesse d’embauche ou d’une lettre d’engagement.
Il doit également respecter un délai de préavis d’un jour ouvré par semaine de contrat, renouvellements inclus (terme précis) ou par semaine de travail effectué (terme imprécis). Le délai minimum étant d’un jour et ne devant pas dépasser deux semaines. Le non-respect du préavis ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts réparant le préjudice subi.
Faute grave de l’employeur
Un employé en CDD peut rompre son contrat avant terme lorsqu’il reproche une faute grave à son employeur de telle sorte que cela soit suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles. Il peut pour cela utiliser la procédure de résiliation judiciaire ou celle de la prise d’acte.
Dans les deux cas, il appartient aux juges de trancher sur la réelle gravité des faits fautifs de l’employeur pour que le collaborateur bénéficie des avantages d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (licenciement nul pour les salariés protégés). Le cas échéant, la procédure sera requalifiée en une démission.
Parmi les fautes suffisamment graves de l’employeur, on peut citer :
- Le non-paiement des salaires, généralement après un arrêt maladie (Cass. Soc 22 juin 2011, n°10-18897) ;
- Le refus de fournir le travail convenu à l’employé (Cass. Soc. 11 janvier 2004, n°01-40489) ;
- Le manquement aux mesures de sécurité ou de santé dans le poste de travail (pourvoi 08-44019);
- Modification unilatérale du CDD ;
- Violence, discrimination ou harcèlement (sexuel, moral), etc.
Il faut savoir que la prise d’acte est une procédure plus risquée dans la mesure où aucune rétractation n’est possible. Le collaborateur cesse effectivement immédiatement son travail, donc est privé de salaire. Il s’en tient ainsi uniquement aux décisions des juges pour requalifier son acte en licenciement et le cas échéant, il sera considéré comme démissionnaire. En revanche, il continue de travailler et perçoit normalement ses rémunérations s’il opte pour une résiliation judiciaire. De plus, il reprendra normalement son travail lorsque les juges déboutent sa demande de rupture pour faute grave.
L’employeur n’est pas redevable d’une indemnité de fin de contrat lorsque le CDD est rompu avant terme à l’initiative du collaborateur (Article L. 1243-10-4 CT). Les cas sont en revanche différents en cas de rupture par le salarié en cas de force majeure ou de faute grave de l’employeur avérée par les juges. L’indemnité de congés payés est due par l’employeur dans tous les cas.
Un employé qui rompt son CDD de manière anticipée pour des raisons autres que les motifs légaux s’expose au versement de dommages et intérêts à son employeur, en fonction du préjudice subi (Article L1243-3 CT ; Cass. Soc. 9 fév 2011, N° 09-42485). Cela se maintient même si l’objet du CDD s’est réalisé avant le terme prévu.