Un employeur peut licencier un salarié lorsque celui-ci ne remplit pas ses missions de manière satisfaisante. On distingue le licenciement pour insuffisance professionnelle lié aux compétences de l’employé à exécuter son travail et le licenciement pour insuffisance de résultats relative à l’incapacité de l’employé à atteindre des objectifs préalablement fixés. Dans tous les cas, les griefs invoqués doivent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement et reposer sur des faits justifiables.
Sommaire
1. Définition
2. Motifs
3. Insuffisance de résultats
4. Responsabilités de l’employeur
5. Conditions de validité
6. Procédure : Convocation – Entretien – Notification – Préavis
7. Indemnités
8. Jurisprudences
Qu’est-ce que l’insuffisance professionnelle ?
L’insuffisance professionnelle regroupe deux notions différentes qui sont l’insuffisance liée aux compétences du salarié et celle qui concerne son incapacité à atteindre les objectifs prévus. On distingue également le licenciement pour insuffisance professionnelle et celui pour insuffisance de résultats, mais les procédures à suivre sont identiques.
Dans tous les cas, l’insuffisance professionnelle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose sur des faits objectivement précis, matériellement vérifiables et imputables au salarié. La responsabilité de l’employeur ou d’un autre salarié peut effectivement entacher le caractère réel et sérieux du licenciement.
L’appréciation des procédures se base notamment sur plusieurs paramètres, dont la qualification de l’employé à l’embauche (Cass doc 2.2.99 Bull V n° 51 p 38) et son ancienneté dans le poste. Sa formation professionnelle ainsi que les conditions de travail (Cass soc 18/5/2011) notamment doivent également être considérés.
Les motifs d’insuffisance professionnelle
À exclure du licenciement pour inaptitude médicale, le licenciement pour insuffisance professionnelle repose exclusivement sur l’incapacité du salarié à effectuer correctement son travail. Cela ne revêt en aucun cas une circonstance disciplinaire, même si une mise à pied à titre conservatoire a lieu.
L’insuffisance professionnelle ne représente jamais un fait fautif et inversement. L’insuffisance professionnelle peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement lorsque l’employeur reproche au salarié les griefs suivants :
- Incompétence ;
- Inadaptation professionnelle ;
- Erreurs ;
- Échecs ;
- Désorganisation ;
- Travail insuffisant ou inutilisable ;
- Manque de qualification, malgré l’effort de formation de l’employeur.
Il faut toutefois savoir que l’appréciation de « cause réelle et sérieuse » de licenciement s’effectue au cas par cas, dans la mesure où la responsabilité de l’employeur pourrait être mise en cause dans l’incompétence, les erreurs ou les manquements du salarié.
Le licenciement pour insuffisance de résultats
Dans ce cas, le salarié peut être licencié lorsqu’il n’a pas pu atteindre des objectifs fixés unilatéralement par l’employeur de par son pouvoir de direction. Cela concerne généralement des objectifs chiffrés dans les métiers à caractère commercial. L’employeur peut également fixer les objectifs de manière contractuelle, mais un contrat de travail ne doit pas pour autant prévoir de circonstances dans lesquelles l’employé serait licencié.
Par ailleurs, « la seule insuffisance de résultats ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement ». L’employeur qui avance ce grief pour la procédure de licenciement doit ainsi justifier que l’insuffisance de résultat relève d’une faute, d’une inaptitude professionnelle ou d’une carence du salarié.
Responsabilités de l’employeur
La responsabilité de l’employeur envers l’insuffisance professionnelle ou de résultats du salarié est toujours vérifiée lors d’une procédure de licenciement pour ces motivations. Dans le cas d’une insuffisance professionnelle, il ne doit pas avoir fourni une charge de travail trop excessive. Il ne doit pas non plus avoir manqué à son obligation de formation continue (Art. L 6321-1 du CT) ou embauché un employé de qualification insuffisante.
Aussi, l’insuffisance professionnelle ne doit pas résulter d’une inaptitude médicale ou démentie par la dernière évaluation professionnelle (« un vrai travail et des compétences certaines entachées par certaines libertés ; rien d’irrémédiable ».
Dans le cas d’une insuffisance de résultats, la charge de travail ne doit pas être exagérée. Les objectifs, quant à eux, doivent être réalistes et compatibles avec le marché quitte à vérifier les performances des collègues. Les résultats attendus doivent être réalisables durant la période de travail et le salarié doit disposer des moyens pour les atteindre. Dans ce cas, l’insuffisance ne doit pas non plus relever d’un aspect concurrentiel ou d’une conjoncture économique.
Dans tous les cas, l’appréciation de l’insuffisance ne doit pas être passagère, notamment sur un seul mois, sans que l’employé ait fait l’objet de reproche ou d’avertissement.
Autres conditions de validité du licenciement
Les juges vérifient également d’autres obligations de l’employeur avant de statuer sur un licenciement pour insuffisance. Hormis les conditions de travail (Cass soc 18/5/2011), les tâches confiées au salarié doivent être celles pour lesquelles l’employé a été embauché et relever de sa qualification (Cass doc 2.2.99 Bull V n° 51 p 38).
L’employeur est également tenu d’adapter les salariés aux évolutions de son poste de travail (Cass soc 25.2.92 Bull V n° 122 p 74), notamment par des formations. « Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (Art L.6321-1 CT). Ainsi, il ne peut relever une insuffisance lorsque l’employé est encore en cours de formation.
La procédure de licenciement pour insuffisance
Dans la mesure où l’insuffisance ne constitue pas une faute, la procédure à appliquer est celle du licenciement pour motif personnel non disciplinaire (ou non fautif). La charge de la preuve incombe à l’employeur qui doit également respecter des obligations d’informations et des délais d’adaptation raisonnables. C’est ainsi que l’employé doit avoir été mis au courant de ses erreurs ou de son incompétence afin qu’il puisse se ressaisir.
Par ailleurs, l’insuffisance doit être constatée dans une période suffisante pour que l’employé ait pu s’adapter à son poste. Lorsque le licenciement est inévitable, c’est-à-dire dans le cas où l’insuffisance est préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise, les étapes suivantes doivent être respectées :
Convocation à l’entretien préalable
L’employeur est tenu d’envoyer la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception. Celle-ci mentionne clairement l’objet de l’entretien, soit le licenciement pour insuffisance professionnelle ou de résultats, la date, l’heure ainsi que le lieu où cela va se tenir. La possibilité pour le salarié d’être assisté pendant la réunion doit également être mentionnée. L’employé doit ensuite recevoir la lettre au moins 5 jours ouvrables avant la date d’entretien.
Entretien préalable au licenciement
Cette étape consiste à présenter au salarié les griefs qui lui sont reprochés et qui constitueront les motifs de son licenciement, preuves à l’appui. De son côté, il doit pouvoir s’expliquer et proposer des alternatives à son renvoi. Il faut savoir qu’à ce stade, il devrait déjà savoir que son employeur lui reproche une insuffisance professionnelle par un avertissement, un simple rappel à l’ordre, une mise à pied à titre conservatoire, etc.
Notification du licenciement
Le licenciement pour insuffisance est notifié à l’employé 2 jours ouvrables après l’entretien, par lettre recommandée avec accusé de réception. Les motifs du licenciement doivent être clairement indiqués avec des faits précis. Néanmoins, la mention « une insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l’entreprise » peut suffire lorsque les faits sont matériellement vérifiables et précisément invoqués de manière objective.
Préavis
Comme pour le licenciement pour motif personnel, le salarié est tenu d’effectuer un préavis de 1 mois s’il a une ancienneté de 6 mois à 2 ans. Il doit en revanche être de 2 mois pour une ancienneté supérieure ou égale à 2 ans. L’employeur peut également le dispenser du préavis en versant une indemnité compensatrice et en matérialisant l’accord par écrit. L’employé qui exécute son préavis doit travailler normalement comme il le faisait avant.
Enfin, pour les salariés protégés, l’employeur est tenu de consulter le Comité d’entreprise. À défaut, il devra demander une autorisation de l’Inspection du travail avant d’entamer la procédure de licenciement. Consulter l’article sur le renvoi d’un salarié protégé.
Indemnités prévues
Comme l’insuffisance professionnelle ou de résultat ne constitue pas une faute, le salarié a droit aux indemnités prévues en cas de licenciement non disciplinaire pour motif personnel. Il perçoit notamment l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article 1234-9 du Code du travail), une éventuelle indemnité de préavis et de congés payés.
Quelques cas jurisprudentiels statuant sur l’insuffisance
L’insuffisance professionnelle est assez difficile à apprécier compte tenu des différentes raisons qui peuvent empêcher un salarié à effectuer correctement son travail ou à atteindre ses objectifs. Les cas suivants représentent des situations dans lesquelles un salarié a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour insuffisance :
- L’absence chronique d’ardeur au travail n’a pas pu constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, dans la mesure où cela présente un caractère incontrôlable ;
- Le simple « manque d’imagination, d’initiative et de dynamisme commercial » d’un responsable de succursale n’a pas pu justifier un licenciement en raison d’un manque de faits précis et matériellement vérifiables ;
- Le licenciement d’un chef de produit est fondé sur une cause réelle et sérieuse auquel il lui est reproché son manque d’approche commerciale (CA Versailles 20 janvier 2000 5e ch. B) ;
- L’insuffisance professionnelle n’a pas pu être prononcée pour les erreurs de gestion d’un directeur, qui ont dès lors été qualifiées de fautes professionnelles. L’intéressé avait notamment masqué la situation réelle de l’entreprise tout au long de l’année. Ses agissements ont ainsi constitué une faute grave (CA Besançon 13 septembre 2002 n° 01-1495) ;
- « L’insuffisance professionnelle ne constitue pas en elle-même une faute », une cour d’appel n’a pas pu prononcer un licenciement pour faute grave en raison d’une simple insuffisance professionnelle même « s’il résultait de ses constatations que le salarié s’était borné à prendre du retard dans la délivrance des comptes-rendus journaliers de ses activités ce qui était insuffisant pour caractériser son insubordination ou sa mauvaise volonté délibérée ».